À la faculté
à l’entrée de l’amphi
sur la porte un écriteau
« Prière de fermer la porte »
je m’agenouillais systématiquement
les paumes tournées vers le faux plafond
et priais la porte de bien vouloir se fermer.
_ _
E.C.
poète x auteur x interprète
poète x auteur x interprète
Poèmes, textes et notes…
À la faculté
à l’entrée de l’amphi
sur la porte un écriteau
« Prière de fermer la porte »
je m’agenouillais systématiquement
les paumes tournées vers le faux plafond
et priais la porte de bien vouloir se fermer.
_ _
E.C.
il faut des paroles mortes pour arriver à un résultat
savoir organiser ses troupes aligner les mots soldats
et choisir les syllabes qui serviront de chairs à canon
afin que les paroles à l’arrière percent les flancs adverses
contournent les obstacles ou bien se fassent des amis
ailleurs
parler relève une fois du colonialisme
une autre de la création du monde
tout dépend de l’humeur et du contexte
des jours comme aujourd’hui je pense que la vie même
réside dans l’humeur et le contexte
comme des pinces à linges qui nous maintiendraient sur la corde
certains se plaignent des relations superficielles
dans leur travail mais les entretiennent
pour créer un contrepoids de bien-être lors des repas entre amis
ou nourrir des cas d’écoles et avoir de quoi argumenter
ils ne veulent pas du travail dans leur vraie vie
alors se montent une barricade tous les matins sur le trajet
sortent de leur vie en fermant la porte à clef
entrent dans leur travail sans même s’essuyer les pieds
puis le soir reviennent chez eux mais ne retrouvent pas
les aiguilles de l’horloge à la même place
ils devraient peut-être
laisser entrer leur vie dans le travail et ne plus avoir peur
des paroles
j’ai moi-même peur de certaines paroles
je ne passe pas beaucoup de temps au téléphone
c’est moi qui ne veut pas du téléphone
il y a déjà trop de bruit dans ma tête
et de musique chez moi
pour rajouter davantage d’ondes de quelques paroles
mortes ou vivantes je n’ai pas peur des vivantes
mais des mortes mais on ne sait jamais quand
l’une ou l’autre apparaît
mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celles
que je dis aussi
ne proviennent pas du travail
mon travail je l’aime
il est aimé par ma personne
mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celle
que je dis à mon tour
ne proviennent pas du travail
mais du silence
celui qui s’étale entre nos entrevues
celui de la peur de ne jamais savoir comment
je te retrouverai
celui de la vraie vie que le temps
a figé entre nous
pour faire de nos échanges un fossile
En réponse à Paul Wamo.
combien de temps nous reste-il ?
9
à mon bureau
lorsque je tourne la tête à gauche je vois
par la fenêtre un gros nuage qui prend l’eau
on dirait un Titanic en train de couler
derrière la colline
il pique du nez en levant son gros cul au ciel
en me criant
« Eh Manu ! T’as vu je pique du nez en levant mon gros cul au ciel ! »
si je ne m’étais pas posé la question du temps qu’il me restait
je n’aurai jamais tourné la tête à gauche
et n’aurai jamais vu le Titanic s’ouvrir le flanc contre une colline lyonnaise
8
je ne veux pas de la réponse
7
j’ai le temps
de me prendre des surprises en pleine face
oui
je m’accorde des kilos d’ignorance
histoire d’avoir du jeu
de l’amplitude
6
la joue tout contre la vie et l’œil cherchant la brèche par laquelle je verrai l’avenir ?
non merci
je ne veux pas de la réponse
5
combien de temps nous reste-il ?
tout dépend de celui qui pose la question
j’aurai une réponse à ma copine
une autre à ma banquière
une autre à l’administrateur d’une salle de spectacle
et sans doute aucune à mes enfants
4
le temps qu’il nous reste
n’est pas le même que
le temps qu’il me reste
3
je ne veux pas de la réponse
2
je fais face à l’ordinateur
je reçois ton message
tu
m’écris combien de temps nous reste-il ?
je ne comprends pas la question
alors je tourne la tête à gauche
contemple un gros nuage qui passe au loin
en ne trouvant comme réponse
qu’un poème écrit sous forme de parties numérotées
que j’enregistrerai en .doc
puis t’enverrai par mail
1
si j’avais su le temps qu’il me restait
j’aurais vécu cette dernière heure
sous pression
le cœur battant plus rapidement
qu’un morceau de hard techno
un après-midi de Gay Pride à Berlin
si j’avais connu
à l’avance le résultat du match d’hier
je n’aurai jamais regardé le match hier
et mon dieu que les cacahuètes étaient bonnes
si je savais aujourd’hui le temps qu’il me reste
qu’il me reste à quoi d’ailleurs
j’aurai déjà mis tous les moyens de mon côté pour travailler mon art quotidiennement, m’épanouir, écrire des livres, enregistrer pleins d’albums, devenir une star et niquer tout ce qui bouge
mais la croûte terrestre étant ce qu’elle est
un bout d’entonnoir
trop serré pour accueillir toute la crème à la fois
je me contente de la joie que me procure
la vision d’un nuage au loin
qui dépasse une colline
_ _
18/09/2015
#1
Il y a bien une table
avec une tasse dessus
mais le café
lui
n’existe pas encore.
#2
Ne compte que sur les à-côtés pour me trouver
des origines
innombrables
insuffisantes
je viens de la ville que j’habiterai.
Tout à l’heure, l’eau sera assez chaude pour y infuser ma boule à thé.
Autoroute du soleil
Au volant ce matin,
j’ai vu passer deux éoliennes
qui défiaient la centrale nucléaire du Tricastin
tels deux cure-dents face à un bol de cacahouètes.
_ _
E.C. 20/07/2015.
il y aura
des artistes qui se connaissent entre eux
des badges
du public, le même que samedi dernier mais là c’est différent, c’est la soirée de l’année
ta radio associative-locale-que-t’as-pas-trop-le-choix-que-de-la-préférer
des têtes qu’ont fait l’effort de changer de coupe depuis l’édition précédente
le catering est bon, les olives sont bios, il a 22 ans, porte une moustache et passe une musique d’un groupe de Williamsburg à fond dans sa cuisine
les gars du webzine du coin exposent dans le hall
des gens beaux, désirables et des clopes roulées vers la tireuse à bière
tout ceux qu’ont partagé le teaser
et surtout surtout on ne change rien à sa façon d’opérer on garde ça fonctionne
vraiment on a galéré des années pour choper des partenaires
et les draps des stagiaires s’en souviennent