poète x auteur x interprète
poète x auteur x interprète
TENIR ! Vendredi 6 juin 2025
Vendredi 6 juin | 19h00
TENIR !
Si les indés du livre pouvaient se donner la main
La mainmise croissante de quelques milliardaires d’extrême-droite sur les secteurs du livre et des médias en France mettent en difficulté beaucoup de choses qu’on aime.
La littérature, la démocratie, la paix : autant de choses qui n’existent que tant qu’on les pratique. Et qu’on les défend.
Dans ce contexte, comment faire exister un réseau de création libre, indépendante et humaniste ?
Poètes, libraires, éditeur-ices, lecteur-ices, on débarque le 6 juin, le temps d’une soirée, pour échanger sur la situation actuelle, croiser les réseaux et les initiatives, fédérer les énergies, lutter contre le découragement. Une lutte, en somme, qui sera aussi une fête.
Le 6 juin donc, on lira de la poésie, on boira des coups et on inventera ce que pourra, demain, être un réseau de pros du livre indépendant, humaniste et antifasciste.
Inspirée du mouvement de boycott Désarmer Bolloré, cette soirée sera également l’occasion de proposer des livres issus de circuits indépendants, et de participer au lancement de l’ouvrage collectif « Débordons Bolloré ».
REPAS DE FAMILLE 19 JUIN 2025
REPAS DE FAMILLE
une performance littéraire d’Emanuel Campo & Grégoire Damon
JEUDI 19 JUIN 2025
librairie La Voie aux chapitres
4 Rue Saint-Jérôme, 69007 Lyon
En février, j’ai été sollicité par la délégation de l’information du Ministère de la Culture pour répondre à quelques questions sur la poésie et ses publics dans le cadre d’une invitation au Printemps des poètes. Cet article, en ligne sur le blog du Ministère, met aussi en lumière d’autres initiatives et parcours.
J’ai envie de préciser certains points que j’ai pu aborder, et d’autres qui n’ont pas pu être retenus.
D’abord, un constat partagé : la scène poétique actuelle est prête pour plus de présence dans les programmations, au-delà des festivals littéraires. Les lectures musicales et autres performances scéniques créées par bon nombre de poètes et poétesses depuis des années vont trouver une place de plus en plus régulière dans les salles de spectacle et les salles de concert.
C’est mon souhait, et celui partagé par celles et ceux (poètes, poétesses, artistes, responsables de festivals…) qui travaillent en ce sens : structurer un véritable réseau de production et de diffusion de ces formes hybrides, celles créées et portées par les poètes et poétesses à partir de leurs textes édités ou non.
On m’a aussi interrogé sur la fréquentation des événements de poésie. J’ai alors rappelé que la médiation culturelle doit être considérée en même temps que la programmation et du choix des lieux des événements, et non pas servir de simple soutien aux actions de communication. Développer une pensée et une vision ainsi qu’une politique de médiation culturelle sont les facteurs de réussite pour qu’un événement de poésie rencontre un public plus large. Elle peut aussi être un vecteur de création et de transmission, à condition d’avoir les moyens… Un sujet qui actuellement mérite toute notre vigilance.
extraits d’un entretien à propos des lectures musicales et de médiation que j’ai donné à Guillaume Richez pour le blog Les Imposteurs en avril 2022. Lire l’article en entier ici.
La lecture musicale est une proposition artistique en soi. C’est juste autre chose. L’auteur d’un texte propose son écriture. Lorsqu’il lit ou déclame son texte, il rajoute une nouvelle écriture, celle de l’interprétation ; puis s’ajoute celle de la mise en scène, puis celle de la musique… Le texte n’est plus l’unique élément, c’est tout. C’est agréable de danser et de remuer la tête. On a aussi un corps. Un festival n’est pas là pour reproduire le coin lecture de notre bibliothèque ou nous faire revivre nos sensations de lectures silencieuses le soir avant d’aller dormir.
Voir dans les programmations actuelles davantage de lectures musicales aujourd’hui, c’est l’évolution naturelle de nos pratiques culturelles et artistiques. La pluridisciplinarité est une norme. C’est la réalité même des arts vivants contemporains. Aujourd’hui, il y a mille manières de recevoir des œuvres, d’en fabriquer, de pratiquer des disciplines, de proposer de l’art. Ajoutons à cela que la société numérique rend tout cela visible à l’excès, ce qui crée sans doute un « effet de mode ». Y a des gens qui viennent à l’écriture par le biais de la musique, d’autres de la scène, d’autres de la rue, d’autres par les arts numériques… La poésie c’est pas une politique d’assimilation, donc chacun propose une forme qui découle de son parcours artistique.
Aujourd’hui, quand t’es programmateur, t’es forcément habité par toute cette contemporanéité, par toutes ces différentes formes d’art qui animent notre quotidien, alors c’est normal de proposer des formes différentes pour nourrir son festival. Et ce n’est pas céder à la facilité que de s’intéresser à la musique. Je trouve ça au contraire plus facile de se conforter dans des formes habituelles maintes et maintes fois éprouvées dans le temps.
Je pense que c’est malin de multiplier les formes et propositions car cela crée une diversité, et donc de la pensée, et donc favorise la présence de divers publics. Plus il y aura de lectures musicales, plus il en découlera une exigence. D’autres projets et vocations scéniques naîtront. Car le but, quand on propose une forme publique (une lecture, un spectacle…), c’est de ne pas oublier le public. On n’organise pas un événement pour les artistes, on l’organise pour la population, pour passer un moment convivial et exigeant. En assistant à une lecture musicale, je ne cherche pas forcément à y trouver LA poésie, ou à revivre mes impressions de lecteur. C’est du spectacle vivant. Je sors de chez moi, je me déplace pour passer un moment divertissant et rencontrer du monde, et me faire bousculer par des artistes dont j’achète des livres pour — parfois — rencontrer la poésie, seul, plus tard, tranquillement chez moi.
[…]
Echanger avec des personnes averties va te faire progresser sur tel ou tel aspect. Je suis forcément tiré vers le haut par des personnes plus initiées ou pointues que moi. Mais en vrai, le plus important, c’est la vie. On n’est heureusement pas entourés sept jours sur sept par les abonnés à la poésie. Les retours les plus importants sont de celles et de ceux qui te disent qu’ils ont tiré quelque chose de ta lecture alors qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’ils ont entendu. Ça veut dire que t’as bien bossé. Il faut lire pour tout le monde, pas seulement pour les trois personnes qui auront compris ton name-dropping. Le sujet c’est comment créer un événement ou écrire sans dominer l’autre, sans être intimidant.
Si de nouveaux spectateurs non-acquis à la cause sont au rendez-vous, c’est plus une victoire pour l’organisateur que pour moi. En tant qu’auteur, je ne travaille pas pour être accessible et pour plaire. Je travaille pour être précis et montrer ce qui me plaît.
Les festivals et les structures de poésie sont des médiateurs. C’est à eux de permettre l’accès. Ce n’est pas à la poésie d’être accessible ou aux auteurs d’écrire de la poésie accessible. J’entends régulièrement la notion de « poésie accessible ». Je trouve que ce terme efface les notions d’esthétique et de choix artistiques. Une poésie ne doit pas être plus valorisée qu’une autre par sa capacité à rassembler ou à être accessible. Elle doit être décrite en fonction de ce qu’on voit des choix artistiques pensés par l’auteur. L’accessibilité est plus une question culturelle et sociologique qu’une question artistique. Si on se limite à programmer ou à chroniquer majoritairement de la poésie maladroitement qualifiée « d’accessible », on ne se limite à parler qu’à un cercle de personnes ayant les mêmes références culturelles ; on risque de marginaliser des écritures plus complexes ou différentes, celles-là-même qui participent à nourrir en amont le reste des écritures d’aujourd’hui. Alors oui pour lire devant tous les publics, mais pas en défaveur de formes artistiques plus déroutantes, aventureuses ou exigeantes. Tout peut cohabiter si on a les moyens et les compétences en médiation.
À titre personnel, j‘aimerais qu’on arrive à ce que le secteur de la poésie se structure et s’institutionnalise davantage pour penser plus loin ces questions. J’entends par là qu’il devienne plus professionnel et doté de moyens de production, de diffusion et de développement, afin de penser le développement des publics et la médiation. Il ne suffit pas d’avoir de bonnes propositions artistiques pour qu’artistes et publics se rencontrent. Actuellement, on a le principal : puisqu’on ne fait pas carrière en poésie, on est entre passionnés. On apprend sur le tas, on fait comme on peut, on cumule les casquettes, on monte nos associations. Mais le manque de moyens et la non professionnalisation font qu’il nous manque certaines compétences et métiers. Auteurs, éditeurs, libraires, festivals, maisons de la poésie, agences du livre… il existe entre tout ça pléthore de métiers qui comptent dans le développement médiatique d’une discipline. Je pense à la façon de concevoir et de penser l’action culturelle et la communication. Aujourd’hui, on souffre d’une réalité structurelle qui fait que ces missions sont tenues par des mi-temps ou des personnes qui cumulent plusieurs postes, ou par des jeunes en début de carrière qui manquent parfois d’expérience sur ces questions. Une pensée d’action culturelle exigeante existe, des professionnels peuvent être formés à ces questions comme dans le milieu du théâtre, mais on manque de moyens : ce n’est pas la ligne budgétaire qu’on flèche en premier car il y a d’autres priorités pour qu’une structure fonctionne un minimum.
Une lecture en public, une rencontre avec un auteur, un atelier de création ou un atelier d’expression, un festival n’ont pas les mêmes fonctions et ne découlent pas des mêmes problématiques. Ça se pense, autant avec les artistes qu’avec les personnes compétentes. On ne peut pas impunément envoyer les artistes au charbon dans l’espoir de sauver la culture et d’intéresser davantage les gens à la poésie.
ÀPRILE FESTIVAL LYON

