Poèmes, textes et notes…

VERY DICK

(histoire vraie du jeudi 26 mai 2016)

à Frédérick Houdaer

le bus arrive à l’arrêt
les contrôleurs nous attendent
je descends vers eux un livre à la main
celui de droite me demande mon ticket puis
« vous lisez quoi ? »
je lui montre la couverture
Pardon my French un recueil de poésie
il me rend mon ticket « ah c’est très bien ça »
ah vous connai… ?
il contrôlait déjà le passager suivant
l’afflux de gens pressés m’avait éloigné de dix mètres
si seulement j’avais fraudé
nous aurions pris le temps

_ _

E.C.
Commandez ici Pardon my French de Frédérick Houdaer, éditions Les Carnets du dessert de lune, 2016.

cool et siffler

cool et siffler
alcool à brûler
école à sécher
coule la Seine
peine entrouverte
on peine à s’aimer
scène découverte
on sait se cacher

2

chewing-gum de rue

chewing-gum de rue
musique par terre
soirée parking
sans canette de bière
rideau de fer
périph’ bouché
sans connexion
les potes à l’arrière

1

extrait d’un travail en cours

Un projet commun. Mais lequel ?
Être accoudé le matin au bureau est à elle-seule une action d’avenir.
Seul dans la chambre tu manifestes.
Le trafic au-dehors te repeint la fenêtre.
Les trams et les corbeaux volent sur le même plan.
Tu es de celles et de ceux qui se foutent
de la France qui va mal.

Tu te résignes
à ne pas péter plus haut que ton cul.
Tu te trouves d’une taille suffisante.
Tes manches accomplissent chaque matin
le geste qui te couvre les bras.

_ _

E.C., extrait d’un travail en cours, avril 2016.

No Battery

Le jour où j’ai voulu rencontrer Lily Allen
elle n’est pas venue.

Sur ce banc public en warning
le temps stressé par le cœur et le trafic.

J’ai attendu longtemps envoyé
de nombreux messages par pigeon.

J’ai envoyé longtemps attendu
ses messages ses pigeons.

Mais aucune réponse mis à part
des bruits de travaux
dans ma tête et dans le bâtiment d’en face
et le signal sonore de mon baladeur.

Mon pote me dit

Mon pote me dit
« C’est trop court. T’as pourtant une vue sur le Rhône. »

C’est que les fleuves ne m’inspirent pas.
Peut-être une fois l’A7 qui passe tout près.
Si l’on considère que c’est sale pareil et qu’ça remue.
J’habite à hauteur des cimes
des arbres bordant les quais.
Pas même leurs feuilles mortes ou leurs bourgeons me font de l’effet.
Ya même des oiseaux.
Ils passent en l’air en battant des ailes
comme s’ils volaient.
Et des nuages.
Ya plein de nuages.
Et de la brume certains matins.
Et c’est joli tout plein mais
j’ai pas la libido paysagiste.
Internet m’avertit constamment que je participe à des choses.
Et la petite métropole que j’habite
se rêvant carte postale
réhabilite le quartier d’en face
à grands coups de nuits sonores et de marteau-piqueur.
Le sol se lève et le ciment pousse
comme dans une contrepèterie.
Tout gronde.
Tout est en travaux.
Tout
coule et s’entrechoque au réveil et dans le jour.
Le Grand Rhône n’est qu’une flaque.
Alors je passe la main sur mes yeux
retrouve mon visage
retourne à mon travail
qui sans effort
s’abat sur moi.

Place Mazagran

Chaque matin elle sortait
de l’appart’ avec une boîte de pâté
et provoquait une ellipse
quand elle la vidait au pied de la grille du jardin en friche.

 

Soudainement autour
d’elle une dizaine de matous.
Je n’ai jamais vu autant de gouttières jouer du sax’.

 

La place a depuis été refaite.
Les gouttières sont redevenues des gouttières
et chaque chat que je croise aujourd’hui paie gentiment ses impôts.