Poèmes, textes et notes…

Dix subterfuges, débiles, mais qui marchent à condition de travailler dur.

\UN/ J’ai plié mon billet de dix euros de telle sorte que tu croies que j’en ai deux, posés l’un dans l’autre sur la table.

\DEUX/ J’ai plié ma copine de telle sorte que tu croies que j’en ai deux, allongées l’une sur l’autre comme sur la photo.

\TROIS/ J’ai plié mon meilleur ami de telle sorte que tu croies que j’en ai plusieurs à mes côtés sur la banquette.

\QUATRE/ J’ai plié mon doigt de telle sorte que tu croies que j’arrive à me couper le doigt rien qu’en tirant dessus.

\CINQ/ J’ai plié mon rire de telle sorte que tu croies que je te trouve méga drôle.

\SIX/ J’ai plié le transat d’une telle manière que tu croies que je m’en vais le ranger.

\SEPT/ J’ai plié mon pull de telle sorte que tu croies que je suis un mec soigné.

\HUIT/ J’ai plié mon corps de telle sorte que tu croies que je suis champion de Bourgogne junior de karaté sur poutre.

\INTERLUDE/ J’ai plié mes orteils, comme ça, pour essayer.

\NEUF/ J’ai plié mes pensées d’une telle manière que tu croies que je maîtrise et que j’ai vécu vingt ans dans un temple Shaolin.

\DIX/ J’ai pris une durite et je l’ai pétée. Et tu crois que je pète une durite.

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19/09/17

Il a d’abord pensé écrire un poème sur la charge mentale

Il a d’abord pensé à quelque chose d’inédit
avec des objets.
Mais il s’est dit
que
Alors il a cherché
un sujet à la mode
un sujet confortable
pas tout à fait subversif
qui ne bousculerait pas ses fréquentations

la charge mentale
les baisses des subventions
les ordonnances
la rentrée.

Il y a quelque chose de lourd dans la recherche
d’artificiel. Ne sachant pas
par où commencer
il arbitre
sans jouer.

Autour de lui : la semoule.
Plein-de-semoule-des-grains-de-semoule
et lui
il pédale
pédale
comme un danseur

comme un coiffeur
comme un styliste
comme un cliché
sur un vélo sans selle
la roue voilée.

Et il a crié
crié
pour qu’elle revienne.

Alors elle est revenue
copycat
sans queue ni tête
niaise et vieille comme le monde
un râteau à la main
une carte de fidélité dans l’autre
l’inspiration.

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13/09/2017

Live Forever

Ça faisait longtemps – ce soir – qu’il n’avait pas écouté
– pris le temps –
(What’s the story?) Morning Glory de Oasis.
Album sorti tout droit de sa pré-adolescence
qu’il avait d’abord découvert sur une compilation.
Ce soir, devant son verre de vin blanc, il se dit
Merde
cette voix
la voix de Liam Gallagher
une flèche triste en pleine gorge
elle te brise un escadron de B-52
comme bon lui semble
elle t’enchaîne au premier souvenir
au premier chagrin qui a le malheur de passer par là
elle suit le sentier du débris
te détruit te recolle instantanément
attise
l’atmosphère d’engueulade qui subsiste encore dans cette cuisine
où, une heure avant l’album joué,
elle claqua la porte.

Liam lui est là
trônant sur la plateforme de streaming
un sceptre comme une chanson dans la main
des verres de vin blanc dans les yeux de celui qui l’écoute.

Le problème n’est pas là

La thérapeute pose ses mains sur la zone du
problème Elle dit
je pose mes mains ici mais le problème n’est pas là
A bon
je le rattache à
Elle le rattache à
je le rattache à un ailleurs dans le corps plus loin dans le temps
Elle le rattache à un ailleurs dans le corps plus loin dans le temps
Cette douleur à l’épaule est liée à
Oui
novembre
Oui
de l’année 20**
Dans sa bouche, l’année 20**
arrive aux oreilles masquée par deux astérisques
comme si l’esprit avait déjà classé l’affaire
et refusait au corps de savoir.

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E.C. février 2017.

et la Terre dans son élan oubliera bientôt comme une ex notre passage sur elle

Se voir mourir de nuit
comme un feu de camp
enveloppé par la mélodie
de l’attrape-culotte joué
par le guitariste de la bande.
Les copains sont assis en tailleur
autour des dernières braises en bouteilles
quelque part
dans une clairière de l’Eldorado.
Dans le ciel
tous les romans d’aventure
scintillent à l’unisson
avec la grâce débutante
d’un cœur de fœtus.
Une nuit n’est qu’une nuit
et la Terre dans son élan
oubliera bientôt comme une ex
notre passage sur elle.

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E.C. 21/02/2017

Fenêtre de tir

T’entends ?

Si je glisse
glisse ton nom
ton nom dans l’enveloppe
je te défends de croire une minute
que-tu-me-plais

 

Je t’ai dans le viseur         T’entends ?
doublement dans le viseur
un viseur pour chaque œil
les yeux, les mêmes qui pendent
depuis des mois en recherche

 

Tu sens

cette déception qui te surveille ?
ils seront des millions à ne pas te lâcher
un pourcentage-muscle à bander comme un arc

 

Mais je vais te dire

rien ne changera ma capacité d’adaptation
au mieux tu resteras pour moi un indicateur
un indicateur d’humeur, une température

 

Vois-tu

je fais partie de ces gens qui ont encore la chance d’avoir une fenêtre chez eux.
Alors le matin, avant de me rendre à l’arrêt de bus, je passerai
et ma tête et ma main par la fenêtre
histoire de sentir la température
pour envisager comment m’habiller avant d’affronter le verbe sortir.

Élections

Quelque part dans les états-unis d’Internet
un homme se fait mordre par un serpent.
Je ne voudrais pas être
à sa place, alors je passe
la journée à regarder des vidéos de serpents
des plus gros aux plus dangereux
en comparant les morsures :
les yeux :
les mouvements :
les écailles :
les venins :
les infos de la radio en fond sonore.