Pour une débénabarisation du quotidien #12-25

12) Je passe deux secondes dans le salon chercher un truc. La télé est allumée, j’entends : « Ils se pensaient contaminés parce qu’ils avaient marché sur un crapaud ou une salamandre. Alors ils ont tenté de se guérir avec des pierres. Forcément ça a marché puisqu’ils n’avaient rien. D’où le pouvoir de guérison que l’on prête à certaines de ces pierres. »

13) Véridique. Ça s’est passé comme ça. J’ai fait deux pas dans le salon avant de m’installer.

14) C’est peut-être un signe. J’avais l’ordinateur à déplacer. Chez nous, notre portable ne fonctionne que sur secteur. Alors quand j’ai besoin de m’isoler pour travailler, je le débranche du salon pour ensuite le brancher à la chambre. La batterie a un problème. C’est un portable à obsolescence programmée. En gros, c’est le même prix qu’un ordinateur portable classique, sauf qu’en plus, on t’invite à en racheter un autre dans trois ans. Comme les ordinateurs portables classiques. En somme.

15) En voulant écrire « portable », j’ai d’abord tapé « potable ». C’est peut-être un signe.

16) En fait, on le fait durer. On va le sucer jusqu’à la moelle. On décidera de la date de sa mort comme le ferait le Conseil d’administration d’un laboratoire pharmaceutique au sujet de son échantillon test. Il est lourd l’ordi. Il est large aussi. Il n’est pas mis à jour régulièrement. Il a l’âge d’au moins 37 papillons, si on considère qu’un papillon vit en moyenne 45 jours. C’est bien plus que le jour de vie unique que l’on prête aux papillons dans les poèmes du collège.

17) Je crois qu’on veut nous faire croire que la vie est courte.

18) En voulant écrire « courte », j’ai d’abord tapé « croute ». C’est peut-être un signe.

19) Sur son répondeur téléphonique, un ami dit : […] merci de laisser vos coordonnées afin que je puisse vous rappeler. Pour information, cette messagerie n’est consultée que deux fois par jour. Une première fois en fin de matinée, une dernière en fin d’après-midi.

MOI (agacé, ayant cherché à le contacter durant 2 heures) : Mon pote, pour te joindre toi c’est quand tu veux ! Tu réponds jamais.

LUI : Ben… c’est pas le but du téléphone ? Choisir quand tu veux être dispo ?

20) Depuis, je mets régulièrement mon téléphone en mode hors-ligne. Par peur de louper les signes.

21) Dans la rue, si on m’appelle je fais quoi ? Je n’aime pas que l’on crie mon prénom dans la rue. Les gens autour n’ont pas à savoir. Sauf en cas de malaise. De ma part.

22) Il y a un poids qui me regarde à travers la vitrine. Alors je change de trottoir. Une épaisseur m’enlace quand je mets mon pull. Comme une odeur de « tiens celui-là je te le fais à moitié prix car c’est celui-là que je veux que tu portes ». Ou que j’achète.

23) Je songe parfois à sortir le dimanche matin pour me poster au pied d’un feu de signalisation. Lorsque celui-ci passerait au rouge, je tenterais de le faire passer au vert en bondissant de tout mon poids sur le bitume à l’endroit où se trouve le capteur qui détecte la masse des voitures. L’endroit du goudron qui porte une cicatrice. Comme une butte. Un tumulus en travers de la rue.

24 a) Il m’arrive de voir des tumulus en ville.

24 b) Se mettre au vert.

24 c) Va falloir essayer pour voir si ça marche.

25) « Ils se pensaient contaminés parce qu’ils avaient marché sur un crapaud ou une salamandre. Alors ils ont tenté de se guérir avec des pierres. Forcément ça a marché puisqu’ils n’avaient rien. D’où le pouvoir de guérison que l’on prête à certaines de ces pierres. »

Pour une débénabarisation du quotidien, les origines

Cher visiteur du présent,

Tout d’abord, je te présente un lien http://gregoiredamon.hautetfort.com
Celui du blog de Grégoire Damon, poète born in the 80’s que je croise à L-Town (Lyon). By the way, je te recommande son recueil Mon vrai boulot édité en 2013 par Le Pédalo ivre, maison dont j’apprécie particulièrement certains des ouvrages de la collection « poésie ».

Suite à quelques mails échangés, Grégoire et moi, et à une conversation que nous avons eue le mois dernier, au comptoir du Périscope, au sujet de la nécessité d’intégrer la notion de « mouche-bébé » dans la poésie au/du 21e siècle et de la considérer comme un enjeu poétique majeur, Grégoire m’a invité à compléter une toute nouvelle liste qu’il a nommée « POUR UNE DÉBÉNABARISATION DU QUOTIDIEN ». Parler du quotidien sans faire du Bénabar. Ou de la poésie sociologique.

Cette semaine Grégoire a posté sur son blog une première note qui éclaire sur les origines et les intentions qu’il donne à ce vaste chantier.

Personnellement, je vois dans la « DÉBÉNABARISATION DU QUOTIDIEN », une tentative d’atteindre le dark side of the tartine du p’tit dèj’. Sa face B. Faire avec ce qu’on a de beurre sous l’ongle pour voir plus profond, se donner l’ambition de ses échecs ou bien m’enlever des yeux les putains de lunettes 3D qu’on m’a greffées à la naissance… Le quotidien, ne pas tenter d’en faire l’étude.

Voyons cette liste comme l’amorce d’une discussion en ligne. Tu pourras, cher visiteur, la suivre dans la nouvelle catégorie que j’inaugure à mon tour sur ce blog. Je ne te promets aucune formule, aucune fréquence ou régularité à part celles que la vie nous impose au jour le jour ainsi que celles qu’on arrive à lui arracher de force. Et si ça se trouve ça deviendra tout le contraire de ce qu’on souhaitait en faire. Ma contribution pourrait même s’arrêter ici. On se promet rien, hein, tu l’auras compris. « Et ça ira où ça voudra aller » comme l’écrit Grégoire.

Je t’invite enfin, cher visiteur, à lire les premières propositions dans les prochaines notes.